La méditation est le credo de Chade-Meng Tan, ingénieur, qui publie Connectez-vous à vous-même (Belfond, « Esprit d'ouverture », 360 pages, 19 euros). Son invitation à méditer, qui a conquis 2 000 salariés de Google depuis 2007, ouvre des pistes pour reconstruire la confiance en entreprise.
Vous prônez la « pleine conscience » comme source d'efficacité en entreprise. Pouvez-vous définir le programme « Search Inside Yourself » de Google ?
Chade-Meng Tan.- Il s'agit de développer l'intelligence émotionnelle, en trois étapes. La première est l'entraînement de l'attention pour ramener, à la demande, votre esprit vers un état de calme et de clarté ; la deuxième consiste à utiliser cette clarté d'esprit pour avoir une meilleure connaissance et une meilleure maîtrise de soi-même ; la troisième est de créer des habitudes mentales pour développer une conscience sociale élargie.
Dans quel but ?
Changer la relation aux autres. La bienveillance est le fondement de la confiance qui est le facteur le plus important pour le bon fonctionnement d'une équipe.
Vous affirmez que les pratiques contemplatives peuvent profiter à la carrière des salariés ?
Les pratiques contemplatives modifient la carrière au fil du temps. La première implication est le leadership. En situation de crise, quand tout le monde cède à la panique alors que vous poursuivez sereinement votre raisonnement, avec bienveillance, que vous gardez votre sang-froid, distinguez les « histoires » de la réalité, vous êtes perçu comme un leader potentiel.
La deuxième est la créativité. L'esprit le plus créatif est celui qui est à la fois alerte et détendu. La pratique de méditation amène l'esprit dans cet état, intentionnellement, et peut accroître la créativité.
La troisième, enfin, est que vous devenez un meneur d'équipe très efficace, car les collaborateurs perçoivent votre bienveillance et vous font confiance.
Quels sont les fondements scientifiques de votre programme ?
La référence sur l'intelligence émotionnelle est le Français Antoine Lutz, chercheur au Centre national de la recherche scientifique. Les études faites grâce aux IRM fonctionnelles ont permis de repérer que les circuits attentionnels sont en lien avec le cortex préfrontal et que la méditation renforce ce cortex qui contrôle les émotions.
Par quel procédé l'intelligence émotionnelle produit-elle du travail d'excellence ?
D'une part, l'intelligence émotionnelle, qui s'appuie à la fois sur la connaissance de ses propres ressentis et sur ses capacités particulières à gérer la relation à l'autre, favorise la créativité. Même pour les ingénieurs, car ces capacités sociales les rendent plus efficaces dans les relations avec les collaborateurs dont ils dépendent.
D'autre part, elle renforce la motivation personnelle et facilite la résilience, qui rend plus fort face aux problèmes. C'est l'intelligence émotionnelle qui distingue les meilleurs leaders des moyens. Dans le secteur technologique, les six qualités qui distinguent les stars sont : un haut niveau d'exigence, la capacité d'influencer les autres, la pensée conceptuelle, le pouvoir d'analyse, l'initiative face au défi et, enfin, la confiance en soi.
La méditation a-t-elle introduit de nouvelles pratiques managériales chez Google ?
Les manageurs sont plus conscients. Des changements de pratique se sont mis en place, à l'initiative individuelle. Par exemple, le vice-président du département des ressources humaines a décidé avec son équipe de démarrer toute réunion par une séance de méditation. Très vite, ils se sont rendu compte que le ton et la qualité des échanges avaient radicalement changé.
Avez-vous fait école dans d'autres entreprises ?
Oui, car la méditation apporte un avantage compétitif pour l'entreprise. On avait commencé par créer une institution à but non lucratif appelée Siyli (Search Inside Yourself Leadership Institute) chargée d'enseigner le programme « SIY » à l'extérieur de Google.
Puis d'autres sociétés classiques ont suivi. Janice Marturano, ex-vice-présidente du groupe alimentaire General Mills, avec l'aide de Saki Santorelli, directeur des programmes de « pleine conscience » à l'université du Massachusetts, a mis en place un programme similaire pour ce groupe agroalimentaire américain avant de créer son propre institut, Mindful Leadership.
Que pensent les DRH ?
Google a salué notre initiative, car ils sont ouverts aux innovations. Ils étaient d'autant plus intéressés que cela n'avait jamais été fait. Lors des premières sessions en 2007, des initiés sont venus, puis, d'une classe à l'autre, le bouche-à-oreille a été tel qu'une classe qui s'ouvre aujourd'hui est complète en trente secondes.
Propos recueillis par Anne Rodier
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